24/04/2009

21 avril Moscou: pas de justice, rien que la police!

Aujourd’hui à Moscou, on attendait le verdict dans le procès fait à un antifa, Olesinov, jugé deux fois pour la même affaire, une première fois au tribunal administratif, et une deuxième fois, pour les mêmes faits, pour « hooliganisme ».

Arrêté pour une embrouille devant un club, ce militant de la scène antifasciste de Moscou est en prison depuis le 6 novembre 2008 ; ce qui lui est reproché, ça n’est pas tant la bagarre qui a suivi l’embrouille devant le club, mais son activité militante d’antifasciste radical, qui n’hésite pas à aller au contact des néo-nazis dans la rue. Bien plus que les faits qui ont permis aux flics de l’arrêter, c’est son activisme qu’on lui reproche et qui ont permis au procureur de construire cette affaire. Le verdict devait être rendu la semaine dernière, puis il a été finalement reporté dans un premier temps… au lundi 20 avril, jour-anniversaire de la naissance de Hitler et journée de prédilection pour les fachos en Russie. Le juge s’est rendu à l’évidence et a finalement reporté le verdict à aujourd’hui.

Pas de justice
Dans la station de métro, une vingtaine de flics anti-émeute, un casque et une matraque dans les mains, nous attendent : en haut des escalators, même chose. L’armement est léger, idem pour la protection, mais on sent qu’ici, les flics ne sont pas forcément là pour le maintien de l’ordre.
Devant le tribunal, nous retrouvons une trentaine d’antifas, et au fur et à mesure que le temps passe, la foule devient plus dense. Certains ont le visage masqué (deux civils, qui ne sont d’ailleurs pas des flics, nous apprend-on, filment sans discontinuer).
Après une demi-heure de tractations, en vain, seuls les journalistes accrédités et quelques représentants d’organisations de défense des droits de l’homme peuvent passer le barrage pour assister à cette audition pourtant publique. Les deux flics qui nous barrent le passage ironisent sur notre ignorance du Russe et concluent par un « Seulement pour les Russes » très compréhensible.
Bilan, seule une dizaine de personnes peuvent pénétrer dans le tribunal, et seulement 3 ou 4 dans la salle, emmenées par l’avocat d’Olesinov, celui qui, au pied levé, a accepté de remplacer Stanislav Markelov, assassiné en janvier dernier à Moscou.

Au bout du compte, nous apprenons que Olesinov a été condamné à un an de prison ; avec ce qu’il a déjà purgé en préventive, il lui reste deux mois à faire. « On s’attendait à bien pire ! » nous disent les copains soulagés. Certes, le procureur avait requis 5 ans… « Pourtant », conclut une copine, « s’il a été jugé coupable, pourquoi la peine est-elle si réduite, et s’il est innocent, alors pourquoi le condamner ? »
Une fois la première réaction de soulagement passée, tout le monde s’organise : pas question de laisser passer le verdict et le maintien en détention d’Olesinov sans rien faire. Un rendez-vous est donné, le soir, à une station de métro.

La police
Nous sommes à l’heure dite à la station de métro, et petit à petit, les antifas arrivent, par petits groupes, plus ou moins visibles. Au bout d’une demi-heure, nous sommes déjà plus d’une centaine. Puis arrivent les consignes, nous sautons dans un métro, descendons quelques stations plus loin, sommes rejoints par une autre centaine d’antifas, et sortons du métro. La plupart sont masqués, car les caméras sont là, et aux endroits stratégiques, certains restent pour orienter les petits groupes.


À peine sortis du métro, dans le froid et la nuit, les antifas déplient les banderoles, sortent les fumigènes… Les slogans fusent, le cortège se met en route : « No Pasaran ! Antifa ! Le fascisme ne passera pas ! Liberté pour Olesinov ! » Le cortège avance au pas de course, se fraye un passage sur la chaussée, stoppant les voitures qui roulent normalement à une allure folle : l’effet est saisissant, plein de force et de rage. Les premiers flics regardent la manif sauvage bouche bée, mais pas longtemps.
En effet, au bout de quelques minutes, alors que le cortège fait demi-tour, les bagnoles de flics arrivent à grand renfort de crissements de pneus. Nous sommes dépassés par une voiture banalisée d’où sortent des civils, qui ne sont probablement pas de la police, d’après ce qu’on nous explique… Et ces mêmes types, l’allure athlétique, le cheveu ras et a priori sans armes, se mettent à chasser la queue de la manif, poussant le cortège à obliquer dans une rue moins fréquentée. Ils attrapent même l’un des antifas, que les autres viennent libérer, mais réitèrent plusieurs fois leurs attaques hyper rapides contre le cortège. Et puis, tout s’enchaîne très vite : pas question de maintien de l’ordre, de discussion, d’atermoiement, pas de gaz lacrymos, pas de sommation. Les voitures de flics arrivent les unes après les autres, et le cortège se fait charger. Un car de flics est arrivé à la rescousse. Les manifestants qui ne se sont pas faits attraper et tabasser à la première charge s’éclatent dans les rues adjacentes, s’enfuient dans les cours des immeubles…
Pendant ce temps-là, nous voyons arriver deux autres cars de flics, puis ensuite trois énormes camions d’OMON en camouflage urbain… À partir de ce moment-là, la chasse commence : en plus des 35 arrêtés et détenus depuis maintenant plus de deux heures au commissariat, il semblerait qu’au moins autant se soit fait attraper dans les cours d’immeubles et tabasser loin des regards. Les gens qui restent aux alentours doivent montrer leur passeport et expliquer leur présence dans le quartier aux OMON qui semblent prêts à embarquer tout ce qui bouge.
Il faut alors activer les avocats, s’enquérir des uns et des autres… À l’heure qu’il est, tout semble être encore très chaotique, et on ne sait même pas si tout le monde va bien : une chose semble sûre, c’est que les antifas, qui représentent une force d’opposition au gouvernement, se sont vus dénier ce soir très clairement, et avec la plus grande brutalité, tout droit d’expression et de manifestation à Moscou.

Tina, SCALP-REFLEX à Moscou

Aujourd’hui, deux jours après la manif, certains antifas sont encore dans les mains de la police : normalement, dans ce genre de situation, les flics ne peuvent retenir des interpellés que quelques heures, sans faire de prise d’empreintes ni de photos, mais bien souvent, ce cadre (pas bien fixé) n’est pas respecté. Quoi qu’il en soit, il est question deux jours après la manif de militants toujours détenus, et de certains qui vont passer en procès aujourd’hui.

SOURCE : SCALP REFLEX Paris

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